Présentation: Le Triumphe des Neuf Preux
Identification
- Auteur:
- Anonyme
- Titre, d'après le colophon:
- Le Triumphe des neuf preux
Datation & localisation
- Localisation:
- La première impression du texte est faite à Abbevile par PIerre Gérard en 1487, la seconde à Paris par Michel Le Noir en 1507.
- Date de composition :
- Avant 1487.
Analyse du texte
- Incipit:
- Tresnoble et trescrestien charles viii. de ce nom par la grace de dieu roy de france. Je qui pour ma petitesse ne veil presumer moy nommer ...
- Excipit:
- Et ainsi fu fait / si ne demeura gaires de temps apres que le bon roy son seigneur ne le suiuist en payant le deu a nature / dieu ait leurs ames. Amen
- Colophon (première édition)
- Cy fine le liure intitule le triumphe des neuf preux / ouquel sont contenus tous les fais et proesses quilz ont achevez durant leurs vies / auec lystoire de bertran de guesclin. Et a esté imprime en la ville dabbeuille par Pierre gerard et finy le penultime iour de may lan mil. quatre cens quatre vingtz et sept.
Description
On ignore qui en est l’auteur du Triumphe des Neuf Preux; il préfère en effet rester anonyme et refuse dans le prologue de se nommer, dans un geste topique d’humilité: « Je qui pour ma petitesse ne veuil presumer moy nommer » (RES Y2 83, fol. AA ii r°). Les indices donnés dans le prologue sont bien minces : il se dit « rude non clerc ne lettré », toutefois si Dame Triumphe s’adresse à lui en cette occasion, c’est parce que sa servante, Renommee, le lui a recommandé : « j’ai entendu que en autres grans effectz tu as servy les dames par cy devant et dont ta main en demourra en louenge perpetuele » (RES Y2 83, fol. AA ii v°). Elle ajoute par ailleurs : « D’une chose fort me desplaist, c’est que plus tost ne t’ay congneu, mais belle excuse y a, car tu as esté par si long temps repost et absent de nous en une terre ou pou ou gaires ne hantons, plaine de palus infinis, que veoir ne te povions pour ceste oeuvre fournir » (RES Y2 83, fol. AA ii v°). Un autre indice qui permettrait peut-être de situer l’auteur dans un milieu littéraire est la place accordée à la vie d’Alexandre. Outre le fait qu’elle constitue la partie la plus développée de l’ouvrage (à elle seule, elle compte autant de pages que toute la triade biblique et est deux fois plus longue que chaque Preux chrétien), il faut également noter qu’Alexandre ouvre la triade païenne, alors qu’il est traditionnellement cité après Hector, dans l’ordre chronologique de cette triade. Bien qu’à d’autres reprises l’auteur soit soucieux de justifier les entorses à un ordre chronologique strict afin de ne pas éclater les triades confessionnelles, il passe cette question sous silence à ce moment du texte. Enfin, il se fonde sur la traduction des Faits du Grand Alexandre de Vasque de Lucène, composée en milieu bourguignon. Faut-il donc penser que ce texte aurait vu le jour dans le même milieu?
Le Triumphe des Neuf Preux s’ouvre sur un prologue qui inscrit le texte dans une fiction au moyen d’un récit-cadre. Le narrateur, en songe, reçoit la visite de Dame Triumphe, accompagnée des Neuf Preux. Cette dernière a reçu à la naissance « ung don fatal qui estoit tel que jamais ne seroit donne[e] a homme, sinon au plus vaillant et au plus preux des autres ». Toutefois, ne sachant lequel des Preux choisir, elle demande à l’auteur de rapporter par écrit les hauts faits de chacun des neuf personnages, afin de déterminer lequel aura le plus mérité de devenir son époux. Bien que le contenu de ce texte n’ait été que rarement commenté, son fonctionnement a été précisément étudié par R. Trachsler, qui fournit une description complète de ce dispositif en le rapprochant du procédé de la cornice de Boccace, auquel l’auteur se compare explicitement.
L’organisation du corps du texte est semblable à celle des autres compilations sur les Neuf Preux, chaque section est consacrée à la biographie d’un Preux et s’ouvre sur une xylographie, qui occupe les deux tiers de la page et représente le personnage en pied. Chaque héros est identifiable à son blason plus qu’à des traits physiques particuliers. La première originalité de ce texte consiste en effet en la présence d’une dixième vie. Sa seconde spécificité apparaît dans l’ordre d’apparition des Preux. L’ordre général choisi est le même que celui adopté par Sébastien Mamerot, que l’on peut caractériser d’ordre « historique ». R. Trachsler relève plusieurs passages, au début de la vie de David et dans celle de Judas Maccabée, où l’auteur intervient pour justifier des entorses à la chronologie afin de conserver la disposition canonique des Neuf Preux.
Comme dans le Traictié des Neuf Preux, les vies des trois Preux bibliques constituent des abrégés des livres historiques de la Bible où apparaissent Josué, David et Judas Macchabée, c’est-à-dire, le livre de Josué, les livres de Samuel et les livres des Macchabées. Il n’a pas été possible d’établir avec certitude si l’auteur utilisait sa propre traduction de la Bible ou une traduction existante. Les sources de toutes les autres sections, à l’exception de celles sur Charlemagne et de Godefroy de Bouillon, ont fait l’objet d’études plus ou moins détaillées.
M. R. Jung a constaté que la vie d’Hector consistait en une traduction de l’Historia destructionis Troiae de Guido delle Colonne, Cependant, seul un examen détaillé de cette section permettrait de déterminer si l’auteur est parti du latin ou a eu recours à l’une des traductions françaises de Guido. Outre ce texte, M.- R. Jung a remarqué que l’auteur du Triumphe utilise des ajouts tirés de l’Ovide Moralisé (il renvoie à Ovide Methamorphose, fol. p vii v°) ainsi qu’à l’Excidium Troiae. L.-F. Flutre a reconnu un emploi des Fet des Romains dans la section sur Jules César. Le récit des funérailles de César est différent de celui trouvé dans les Fet des Romains, mais il est le même que celui trouvé à la fois dans le Traictié des Neuf Preux et dans l’Istoire des neuf preux princes et seigneurs, qui provient, dans ces deux textes, de la Chronique de Baudouin d’Avesnes. Cependant, il faudrait pouvoir déterminer d’où provient cette fin de la Chronique. En effet, certains manuscrits des Fet partagent avec elle une continuation à la matière des Fet. Il faudrait donc examiner ces manuscrits en détail, peut-être y trouverait-on le même genre d’interférence qu’ici. D. J. A Ross avait indiqué que la source de la section consacrée au roi macédonien devait être la vie d’Alexandre de Plutarque, vraisemblablement par l’intermédiaire de la traduction latine de Guarino da Verone. Après un examen détaillé, on peut corriger cette identification. L’auteur se fonde sur les Faits du Grand Alexandre de Vasque de Lucène, qui traduit les Historiae Alexandri Magni de Quinte-Curce. Cependant, cette oeuvre latine n’a été conservée que de manière incomplète, puisque les deux premiers livres en sont perdus. Vasque de Lucène a donc complété le début avec, entre autres, une traduction de Plutarque, d’où l'affirmation de D. J. A. Ross.
R. Trachsler a montré comment, afin de raconter la vie d’Arthur, l’auteur tisse la tradition romanesque telle qu’elle apparaît dans le Merlin et sa suite avec la tradition historiographique transmise par l’Historia regum Britannie de Geoffroy de Monmouth et le Roman de Brut de Wace. L’examen détaillé révèle une influence notable des formulations et du récit de Wace, alors qu’aucun élément propre à l’Historia regum Britannie ne peut être relevé. La vie de Charlemagne est racontée d’après les Grandes chroniques de France. Cependant, en marge et de manière ponctuelle, les grands cycles épiques sont également évoqués. L’histoire de Godefroy de Bouillon enfin est retracée à partir de Guillaume de Tyr, par l’intermédiaire de sa traduction en français, si on en croit quelques sondages effectués sur le texte.
L’ajout de la dernière partie, consacrée à Bertrand du Guesclin, est mise en scène pas l’auteur qui, soulagé d’être arrivé à la fin de son oeuvre avec le récit sur Godefroy, avait jeté sa plume. Pour satisfaire Dame Triumphe, il est cependant contraint de la reprendre pour adjoindre une dixième vie aux neuf autres. L’auteur utilise comme source La Chanson de Bertrand du Guesclin de Cuvelier. La version de ce texte dont disposait l’auteur du Triumphe semble plus proche du manuscrit H 250 de la Bibliothèque de la Faculté de médecine de Montpellier, utilisé par Jean-Claude Faucon ou encore de celui de l’Arsenal (Paris, BnF, Arsenal, 3141) qu’E. Charrière, l’éditeur de 1936, donne dans l’apparat des variantes, que du manuscrit Paris, BnF, fr. 850, qui sert de base à l’édition de 1936. Le texte du Triumphe fait en effet allusion à des faits manquants de la version plus brève, mais une vérification systématique serait à faire.
- Liste des témoins
- Le Triumphe des Neuf Preux, Abbevile, Pierre Gérard, 1487
- Le Triumphe des Neuf Preux, Paris, Michel Le Noir, 1507
- Pour une liste des exemplaires conservés, voir le Incunabula Short Title Catalogue ou le Universal Short Title Catalogue.
- Lien vers les imprimés numérisés
- Lien vers l'exemplaire de la Bodleian (édition de 1487) à Oxford: https://digital.bodleian.ox.ac.uk/inquire/p/e6159fb4-c869-4e2e-a12f-6808cb8ed4f1 ; et manifeste IIIF: https://iiif.bodleian.ox.ac.uk/iiif/manifest/e6159fb4-c869-4e2e-a12f-6808cb8ed4f1.json
- Lien vers l'exemplaire de la bibliothèque de l'Arsenal à Paris: https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k134362r
- Lien vers l'exemplaire de la Réserve de la BnF à Paris: https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b7300039g
- Lien vers l'exemplaire de la BU de Liège: http://hdl.handle.net/2268.1/1567
- Table des rubriques
- Table des enluminures
- Transcriptions
- Bibliographie
- Fiche sur Arlima: https://www.arlima.net/qt/triumphe_des_neuf_preux.html
- Fiche sur Jonas: http://jonas.irht.cnrs.fr/oeuvre/9078
- Sur le site de la BNF: https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb39334920t
- Fiche de l'Incunabila Short Title Catalogue: https://data.cerl.org/istc/it00458000